Le 02/03/2018 – Les Acteurs De L’Ombre
Note : 18/20 – Chronique par Slaytanic
Titres :
- Alderica
- La Révolte Des Tuchins
- Infâme Saurimonde
- Ode A La Croix Cléchée
- 1802 – 1869 : Les Méfaits De Mornac
- Mandrin, L’Enfant Perdu
- La Procession Des Trépassés
- Une Vie De Reclus (Quand Les Remparts Ne Protègent Plus)
- L’Ora Es Venguda
- L’Esprit Des Vents
Membres :
- Florian « Spellbound » Lecomte – Chant
- Julien « NKS » Ginez – Guitare, Basse
- Laurent « Lonn » Lecomte – Guitare
- Florian « Ardraos » Denis – Batterie
Aorlhac est de cette veine de groupe de black metal qui a disparu des écrans radar malgré un intérêt plus que certains. Près de dix ans se sont passés sans trop savoir où en était le groupe auvergnat depuis « La Citée Des Vents » (2010) mais la reformation est actée en 2017 avec, pour conséquence, ce troisième opus intitulé « L’Esprit Des Vents » signé sur Les Acteurs De L’Ombre.
Et, avant d’attaquer sur la musique déployée par les quatre membres d’Aorhlac, il faut d’abord s’intéresser au contenu des paroles. En effet, le groupe a pris le parti d’explorer l’Histoire et les Légendes de leur région, d’en expliciter l’impact sur les populations ou les mystères selon les cas explorés.
Concernant les faits historiques, on navigue à travers les siècles en commençant par le symbole de l’Occitanie à savoir la Croix Cléchée (« L’Ode A La Croix Cléchée ») puis on passe par des figures de révolte : Les Tuchins qui se sont soulevés contre l’impôt et la présence des Anglo-Gascons au XIVème siècle (« La Révolte Des Tuchins ») et le personnage ambigu de Mandrin qui s’opposa – à sa manière – aux préleveurs de taxes en faisant de la contrebande (« Mandrin, L’Enfant Perdu »). Le personnage d’Antoine-Victor Mornac, bandit violent et notoire, est aussi de la partie (« 1802-1869 : Les Méfaits De Mornac »). Aorlhac nous emmène aussi dans une certaine nostalgie, celle de la fierté des remparts de Saint Flour pour le titre « Une Vie De Reclus », et ferme l’album sur « L’Esprit Des Vents », thème récurrent chez les Auvergnats (les trois albums comportent le mot Vents).
Seule « L’Ora Es Venguda » est à part, déjà par l’emploi de la langue Occitane et surtout dans le fait que les textes sont issus d’une chanson interprétée par Lo Còr dau Lamparo, écrite en 1892 par Joachim Gasquet (qui utilisait un pseudonyme pour écrire dans le quotidien « Le Marseillais ») et qui est dédiée à un instituteur marseillais révoqué pour ses opinions socialistes (initialement intitulée « Cançon de Nèrvi ») mais qui est, suivant les avis, une chanson symbolisant la liberté de l’Occitanie.
Côté légende, « Aldérica » traitée par Joseph Maffre dans « Tartarà » (1938) est une symbolique du courage occitan face à l’invasion des Sarrasins, « Infâme Saurimonde » traite d’un personnage présent dans plusieurs légendes locales (sous les traits d’une fée, d’une femme sauvage ou d’une démone selon les endroits) et « La Procession Des Trépassés » qui traite à la fois d’un thème historique (l’incendie de l’église par les Protestants) et d’une légende (celle des fantômes annonciateurs de mort prochaine).
Déjà, pour la recherche, c’est brillant.
Côté son me direz-vous ? Le black metal envoyé par Aorlhac est sans faille. Une construction riche, un vrai son brutal et pour autant mélodiquement irréprochable, voilà ce qui résume parfaitement ce troisième opus qui envoie tout ce qu’il a, mais toujours avec une justesse d’exécution et une mécanique parfaitement huilée. A croire que cette période – bien longue – de stand-by du groupe a permis de remettre les pendules à l’heure afin de revenir plus brut, plus puissant et plus travaillé que par le passé.
Entre un chant qui passe par toutes les émotions, que ce soit dans le chant black typique, le hurlé mélancolique et douloureux, le growl caverneux ou le chant plus soft, Spellbound est absolument parfait, allant jusqu’à aller s’aventurer sur des terres – tourmentées mais ô combien grandioses – d’Anorexia Nervosa, époque « Drudenhaus ». Les chœurs sur « Infâme Saurimonde » donnent une ampleur plus importante et approfondissent le côté dramatique de ces odes maléfiques. Du grand art à ce niveau.
Musicalement, c’est du même niveau : on est transporté sans y pouvoir quoi que soit. Rien ne laisse transparaitre une quelconque baisse de régime, le black metal se montre franc du collier, sincère et puissant dans l’effort, non sans oublier la part épique qui colle à la peau du groupe depuis toutes ces années. La batterie se montre elle aussi largement à la hauteur, si ce n’est certains plans qui manquent peut-être de changements çà et là dans l’album, mais c’est tellement anecdotique que ça n’occulte en rien le fait que l’on tient là une pépite à coup sûr pour cette année 2018.
Aorlhac revient après un pacson d’années de silence et, qu’on se le dise, le quatuor frappe très fort avec un album monstrueux, à la construction riche et puissante, aux compositions fouillées et recherchées dans lesquelles on ressent sans mal la fierté qu’ils ont de leur région et de sa richesse autant historique que mystique (et, à titre personnel, quel pied de découvrir toutes ces légendes et l’histoire de cette région pour le Nordiste que je suis !). Du très bel ouvrage, indubitablement l’un des albums clés de cette année 2018 en matière de black metal.