INTERVIEW – While She Sleeps

En promotion pour son nouvel album Sleep Society, nous avons pu nous entretenir avec Loz Taylor ! Chanteur de While She Sleep, il a pendant 45 minutes répondu à chacune de nos questions et en a profité pour nous présenter la dernière galette du groupe !

L’interview a eu lieu en Février 2021, Sleep Society n’était donc pas encore disponible pour le grand public. Il l’est désormais sur toutes les plateformes, depuis le 16 Avril, et on ne peut que vous conseiller de l’écouter au vu de sa qualité !

While She Sleep s’est formé en 2006, 15 ans plus tard, quel regard portes-tu sur votre ascension ? Du petit groupe local à une révélation de la scène metal…


Tu sais, tout ça s’est en fait déroulé très rapidement. Au tout début, il y avait un autre chanteur dans le groupe. Je les avais vus en concert, lorsqu’on était encore tous inconnus et j’avais trouvé le groupe vraiment très bon ! Alors quand finalement j’ai appris qu’ils se séparaient du premier chanteur et qu’ils cherchaient son remplaçant, je leurs ai dit «arrêtez vos putains de recherches les gars ! Je veux être le chanteur de ce groupe !».

Et finalement on est assez rapidement devenu plus que le petit groupe de metalcore de Sheffield, jusqu’à l’enregistrement du premier album ! En 2009 j’ai quitté mon job, sauté dans un van et me voilà parti pour conquérir l’Angleterre !


Tout bien réfléchi je crois qu’on devrait en faire un film ! (Rires)



Vous êtes l’un des rares groupes à avoir gardé le même line-up depuis vos débuts (en tant que professionnels). Est-ce que ça a un sens particulier pour vous ? Sans parler des groupes qui tournent depuis 40 ans, il suffit de regarder Five Finger Death Punch, Bad Wolves, Arch Enemy

Complètement. Tu sais avec l’évolution de l’industrie musicale et les temps qui courent c’est parfois très difficile de rester proches avec les mêmes personnes. Au commencement d’un groupe c’est souvent très compliqué de trouver les personnes qui vont donner la même énergie, le même dévouement que toi pour faire évoluer ce groupe. C’est sûrement la raison qui fait que While She Sleeps reste aussi soudé.


On a tout donné pour y arriver, et on sait qu’on a beaucoup de chance d’être là où on en est !
Quand ta passion devient ton métier, et que tu commences à prendre en compte l’aspect financier, ça peut-être très compliqué de garder le même état d’esprit… Mais ce n’est pas le cas dans notre groupe.

15 ans de carrière ! Sans parler des événements qu’on connaît, est-ce que vous préparez quelque chose de particulier ? L’année prochaine marquera également les 10 ans de votre premier album (ndlr: This Is The Six)…


Bien-sûr, on avait prévu quelque chose pour la sortie du tout premier album… Mais on préfère ne pas trop s’avancer. Je peux te garantir que quand le monde entier ne sera plus enfermé pour des conneries, on compte organiser quelque chose de spécial pour tout le monde ! Je pense que tout ça sera très sauvage !



En comptant votre nouvel album Sleep Society (ndlr: paru le 16 avril 2021), vous avez sorti pas moins de 6 albums en 10 ans ! Tu parles d’un rythme effréné !


Absolument, on a toujours voulu garder une certaine intensité entre nos tournées et nos enregistrements studios.


En écoutant votre dernier album, il faut dire que j’ai été assez surpris ! Notamment par une maturité qui caractérise de plus en plus votre musique, mais par le contraste entre cette maturité et une énergie débordante présente sur tout l’album ! Par exemple l’opposition de style entre les morceaux « Division Street » et « Sleep Society » !


Je vois tout à fait ce que tu veux dire ! Pour un groupe ça peut-être difficile de ne pas rentrer dans une routine et ne plus pouvoir en sortir. C’est pour ça qu’on essaie de toujours proposer des choses différentes. Cela dit, on ne réfléchit pas vraiment à la façon dont on veut sonner. On essaie toujours de rester le plus spontané possible. Parce que c’est assez facile de trouver la formule qui marche et l’exploiter jusqu’à l’usure.

On veut toujours sortir de notre zone de confort ! Mais au lieu de réfléchir pendant des heures si : «Est-ce que ça, pourrait bien marcher…» ou «Est-ce qu’on essaierait de voir si on peut rajouter quelque chose qui ressemble à ça…» On se dit toujours «Bordel on fonce ! On verra bien !». Pour nous, ne pas rester dans la facilité c’est aussi montrer du respect envers nos fans.



Vous êtes en effet un des rares groupes actuels et renommé, à avoir sa propre signature…


Bah tu sais, je ne connais aucun groupe qui sonne vraiment comme nous. Et tout simplement parce qu’on essaie pas de sonner comme quelqu’un d’autre ! Surtout quand tu fais du metalcore. C’est tellement facile de tomber dans l’imitation !

C’est ce qui me fait d’ailleurs dire qu’on n’est pas réellement un groupe de metalcore. Car quand j’écoute ce que proposent les formations catégorisées dans ce style, il arrive toujours un moment où je me dis «tiens, je trouve que ça ressemble à untel ou un autre». Pour nous c’est super important d’apporter quelque chose de frais.

Comment avez-vous abordé la composition du nouvel album ? Comment s’est déroulé l’enregistrement ?


Assez facilement en fait. On a tous des horizons musicaux différents et très larges. C’est pour ça qu’on ne se voit pas uniquement comme un groupe de metalcore mais plus comme un groupe de Rock bien heavy et massif !

J’essaie depuis toujours de continuer à découvrir des groupes. Par exemple j’écoute beaucoup Northlane et Architects ces derniers temps, et j’ai récemment découvert un groupe nommé Kingdom Of Giants. Tout ça est très inspirant pour nous !


Concernant Sleep Society en lui-même, on peut dire qu’on s’y est pris de la même façon que pour les autres albums. Comme je te l’expliquais, essayer d’être le plus spontanée possible, proposer quelque chose de frais et qu’on aime ! Mais concernant le Covid, on a la chance d’être tous au même endroit, alors ça ne nous a pas gêné lors de l’écriture. Ce qui m’attriste c’est que ça n’est malheureusement pas le cas de tout le monde…


Justement qu’est-ce qui a inspiré Sleep Society ? On peut ressentir une certaine mélancolie mélangée à beaucoup de rage…


Encore une fois on a pas trop pensé le truc avant de l’écrire. Dans le groupe tout le monde écrit, donc on se base tous sur des ressentis différents. Après on essaye de mettre en commun pour que la chanson nous parle à tous ! Tout bien réfléchi c’était important pour nous de ne pas écrire un album sur le Covid. Ce n’est pas le seul sujet et le seul problème du monde.

Ce que j’aime le plus dans le fait d’écrire, c’est qu’on peut penser parler d’une relation, là où certains penseront à la politique. Et c’est assez fou de se dire que chacun peut entendre nos chansons comme il en a envie. Pour nous l’objectif est avant tout de réunir les gens entre eux et d’aller chercher le meilleur au fond de chacun. Alors on a envisagé le nouvel album de cette façon et le résultat est Sleep Society !



Concernant la chanson « Call Of The Void », j’ai cru entendre des voix en retrait qui semblaient dire des phrases en français, suis-je devenus complètement tarés ?


Non pas du tout Mec ! Il y a bien des passages en français dans cette chanson ! Je ne sais pas comment le prononcer mais en fait, les voix chuchotent « Call Of The Void » en Français, ça donnerait « l’appel du vide » (ndlr: en Français dans le texte) je crois.

En fait c’est une expression inventée par les Français qui signifie que tu es toujours sur le fil du rasoir, que tu vis dangereusement, d’une certaine façon. C’est donc ce sentiment qu’on a voulu partager avec les gens. C’est quelque chose qui m’a parlé, car ça exprime ce que je ressens parfois, la sensation d’être au bord du gouffre, alors qu’il n’y a qu’un pas à faire pour s’en sortir. Cette phrase a eu beaucoup de sens pour moi, alors ça paraissait logique de l’inclure dans ce morceau.

On peut aussi entendre de nouvelles sonorités, un peu plus électroniques, comme sur « Systematic ». Est-ce le fait de jouer avec des groupes comme les Français de KMFDM (Ndlr: mélangent des sonorités électro au metal) qui vous a inspiré ce son ?


Oui et non, car encore une fois on ne veut ressembler à personne d’autre. Mais pour nous c’est effectivement une manière de produire un travail plus intéressant d’aller chercher des nouvelles sonorités, inspirés par ce qu’on a vu en tournée. On a donc beaucoup travaillé sur ce contraste entre des sons de synthétiseur et des gros riffs de guitare. Et je dois dire qu’on est assez content du résultat !

Pour parler encore un peu du nouvel album, j’aimerais évoquer le dernier titre. Une sorte de déclaration d’amour à vos fans, et à tous ceux qui écoutent cet album ! On peut dire que c’est unique et intemporel.


Déjà, le titre de la chanson évoque un code postal. Celui de l’endroit où on s’est tous connus ! En fait c’est pour nous la destination mais aussi le point de départ. Ça nous rappelle beaucoup de choses, par exemple quand j’ai démissionné pour rejoindre le groupe à temps plein !

Pour nous c’était important d’ajouter à cet album ce point de référence et de le partager avec les fans. Encore une fois c’est grâce à nos fans qu’on fait ce qu’on fait ! Alors on est vraiment très reconnaissant ! C’est eux qui ont transformé le gamin qui s’entraînait à hurler dans le garage de ses grands-parents en un chanteur professionnel dans un groupe de metal. Et tout ça est vraiment incroyable pour moi comme pour les autres.


Quel est ton sentiment vis-à-vis de groupes comme Bring Me The Horizon, Parkway Drive, Bullet For My Valentine… On sait que vous avez mal tourné avec eux, est-ce qu’il existe une sorte de rivalité amicale ou est-ce qu’ils sont plutôt une inspiration pour vous ?


Déjà, si ces groupes sont toujours là après toutes ces années, c’est parce qu’ils sont géniaux !


On peut aussi parler de l’évolution dans leurs musiques, depuis leurs débuts il y a eu beaucoup de changements, et c’est bien sûr chez Bring Me The Horizon que c’est le plus flagrant. Ces groupes sont assez forts pour continuer de proposer des choses passionnantes, et c’est bien-sûr un moteur pour nous. Beaucoup critique l’aspect commercial de BMTH, mais sans eux combien n’aurait pas découvert notre genre de musique. Ils sont des pionniers en quelque sorte, et ça forge le respect !


Autrement ils ont bien sûr une importance dans notre identité, mais ce qui nous motive le plus, c’est de voir qu’après toutes ces années ils sont toujours aussi bons !

Quand les concerts reprendront, ton groupe se produira à nouveau au Hellfest ! As-tu des souvenirs particuliers de tes différents passages dans ce festival ?


Déjà je me rappelle quand j’y ai mis les pieds pour la première fois. Je me suis dit «Bordel, Cet endroit est incroyable !».

C’est assez fou de voir le travail qu’il y a sur les décors! Ce festival est vraiment unique et j’espère que le public français en a conscience !

En particulier sur la Warzone (scène punk/hardcore du Hellfest) ! Là où vous avez joué en 2017 ! Elle venait d’être entièrement rénovée afin d’accueillir plus de monde !


Oui c’est clairement l’un des festivals où je préfère jouer ! C’est d’ailleurs le cas de tout le monde dans le groupe ! J’aime voir que des gens se donnent corps et âmes pour faire vivre la musique qu’on adore !

Il y a bien sûr des grands, voire très grands festivals en Angleterre, mais rien de comparable avec le Hellfest ! Cet endroit semble irréel ! Sans parler du public qui y est juste incroyable.

J’aimerais avoir ton avis sur une des déclarations de Sean Long (Ndlr: guitariste de While She Sleeps) qui expliquait que de plus en plus de monde connaît le nom du groupe sans pour autant connaître votre musique. Mais il explique que c’est pour lui un honneur d’être traité en «outsider . Comment te sens-tu par rapport à votre nouvelle célébrité, le fait que vous soyez une des stars montantes de la scène metal ?


Pour moi on ne sonne comme personne et c’est notre plus grande force ! Mais elle peut parfois nous jouer des tours. Par exemple on est référencée comme un groupe de metalcore, mais pour autant des vrais fans de metalcore peuvent ne pas se reconnaître dans notre musique.

Ce qui est super important c’est qu’avec nos nouveaux albums et les tournées qui en découlent, de plus en plus de monde nous a vus en live. Et c’est ce qui compte vraiment car c’est sur scène que notre magie prend forme. Alors je ne peux qu’encourager ceux qui doutent de nous à venir nous voir en concert !



Lors de votre tournée en 2019, tu avais dû t’arrêter et laisser le groupe continuer sans toi pour quelques concerts. On se rappelle qu’en 2013, le groupe avait dû annuler une partie de sa tournée à cause de problèmes de voix assez graves. Qu’en est-il aujourd’hui ?


Oui j’ai eu quelques problèmes avec ma voix et mes cordes vocales. En fait j’ai quelques séquelles de mes débuts de chanteur metal où je n’avais pas de technique… Je pensais qu’il s’agissait juste d’hurler le plus fort possible, mais malheureusement ça n’est pas comme ça que ça se passe !

En 2019, mes séquelles m’ont posé problèmes et j’ai dû avoir recours à une opération. Quand ces problèmes m’arrivent mes cordes vocales ne travaillent pas de la bonne façon et c’est à long terme très dangereux pour moi. Il fallait que j’y remédie une bonne fois pour toute !

De plus je n’ai pas toujours eu une vie très saine, j’ai toujours beaucoup picolé, sans parler de ma consommation de Cannabis, ce qui bien évidemment est à prohiber quand on joue au niveau professionnel.


Aujourd’hui j’ai arrêté de fumer et j’ai énormément travaillé sur ma technique vocale ! En fait, tout ça ramène au proverbe «un esprit sain dans un corps sain ».

Évidemment c’est toujours extrêmement douloureux pour nous d’annuler des concerts… Surtout quand c’est à cause de moi ! On aimerait ne jamais avoir à le faire, malheureusement il y a 2 ans, ça a été une obligation pour moi. Mais je veux dire à mes fans que jamais While She Sleeps n’annulera un concert s’il y a une quelconque possibilité de se produire.

Au vu de ce que tu me dis, j’imagine que le « repos » forcé subi par le monde entier t’as fait du bien ?


Oui, j’ai pu prendre soin de moi, me ressourcer, puis finalement me remettre au travail plus sérieusement. Et je pense qu’aujourd’hui je me sens bien.

J’ai travaillé avec MelissaCross (ndlr: coach vocal spécialisée dans le chant metal) et elle m’a énormément appris ! Elle est vraiment incroyable et je voudrais la remercier. Même si elle a l’habitude puisqu’elle a déjà travailler avec Killswitch Engage, Allissa White-Gluz d’Arch Enemy ou encore avec les mecs de Suicide Silence.

Je profite de mon temps de repos pour m’exercer et apprendre de nouvelles choses.



Enfin, peux-tu évoquer le combat de While She Sleeps contre l’industrie musicale et le projet derrière Sleep Society?


En fait on ne cherche pas à dire de la merde (en français dans l’itw) sur l’industrie musicale ! Mais on pense qu’on a quelque chose à apporter en tant que groupe à cette histoire. Bien sûr, l’industrie musicale à un côté vicieux et ça nous dérange. Nous on veut y remédier avec nos moyens.

Pour nous il y a d’autres façons de permettre aux passionnés de vivre de leurs musiques. Beaucoup de nouveaux arrivent sur le marché et se font complètement entuber par des gens dont l’unique objectif est de faire de la thune sur la personne que tu es, ou sur celle que tu vas devenir. Donc on veut tout faire pour mettre un terme à ça !

En même temps, on ne peut pas dire n’importe quoi sur ce monde puisqu’on en fait partie. Mais aussi parce qu’on a rencontré beaucoup de personnes formidables qui se sont donnés à fond pour notre groupe. Ce qui nous gêne le plus c’est le modèle de consommation de la musique, on ne laisse pas la possibilité au public de choisir ce qu’il écoute, puisqu’on laisse peu de chances aux petits groupes d’exister. Alors on veut essayer d’apporter des solutions à tous ces groupes de rock, de punk ou de metal qui ne peuvent pas exister parce que Nicki Minaj et Justin Bieber raflent tout.

Tant de groupes se donnent du mal et pourtant l’industrie ne fait rien pour ces groupes-là. Donc on a décidé de donner de l’attention à nos fans, et à leurs groupes, en essayant de les aider à exister. On veut ramener les gens à se focaliser sur la musique sans uniquement prendre en compte le business qu’il en découle. On veut tout faire pour aider ceux qu’on peut aider !

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